Première nuit transsibérienne

Première nuit dans le train 07.08.11 23h06

Impossible d'écrire dans la couchette du transsibérien, impossible de dormir, il est trop tôt ou alors je suis trop excité la conscience à vif comme exacerbée par l'exiguïté de la couchette supérieure. Le wagon est plein de cette promiscuité silencieuse qui attise la fantasmatique du voyageur. Les fenêtres sont close, la nuit nous prive du paysage et le rideau nous prive de la nuit, seul le reste le regard sur la vie endormie du wagon n°14. Depuis la couchette 11 calé entre la banquette du dessous et la coursive à bagage j'ai une vue limitée. Dans la couchette limitrophe dort une femme russe rousse aux allure de bourgeoise à qui je ne saurai donner d'âge et je me demande comment elle fait pour dormir sous la couverture du transsibérien tant il fait chaud. A moins que cette chaleur soit aussi un effet sur moi de la transe voyageuse. Un peu plus loin sur ma gauche deux jeunes femmes on prit la peine de créer une petite cabine éphémère avec leurs draps le temps de se changer. Deux jeunes femmes, une plutôt jolie et l'autre plutôt son faire valoir et si la jolie femme a su dissimuler parfaitement son amie se changeant la réciproque n'a pas été vrai nous laissant le loisir de lancer un regard indiscret dans l'alcôve éventée et apercevoir l'érotisme quotidien d'une jeune femme qui se change, le train exacerbe les choses et j'ai envie de croire que ce n'est pas un hasard si le faire valoir à laissée entrevoir son ami dans une sorte d'exhibition par procuration. D'autres femmes s'éclipsent au toilette, s'enferment et reviennent métamorphosée en tenue de nuit. Je ne parle que de femme parce que se sont elles qui peuplent en majorité le wagon n°14 du transsibérien même si des hommes eux aussi passent de temps à autre par le champ de la vision que m'offre la couchette n°11 mais ne voyant pas évoluer les hommes dans leur rituels nocturnes je ne saurai rien en dire. Il y a aussi des enfants, j'ai entendu pleurer un jeune enfant plus au loin dans le wagon. Et puis il y a les lampes de poches qui dispersent de temps en temps un trait de lumière chaotique. Ca sens le café je crois

Je me colle à la paroi de ma couchette dans l'espoir de refroidir ma peau au contact du plastique. Le bruit qui me vient de l'autre coté de la fenêtre me semble frais, chaque son auquel je prête attention semble me rafraîchir. Je pourrais parier que derrière le rideau tiré qui me barre la fenêtre la vitre et baissée, grande ouverte et qu'elle laisse entrer le frais de la nuit et son cortège auditif ; je suis allé jusqu'à chercher le contacte de la vitre en posant ma main sur le rideau pour m'assurer qu'elle était bien fermée. Ce sont bien ces bruits de trains, bruits mécaniques qui me sont frais me poussant à tourner toujours plus mon attention vers eux pour capter un peu de cette sensation de rafraîchissement qui exacerbe un peu plus mon attention à l'environnement me poussant loin du sommeil.

De toute façon dormir me semble être un non sens dans cette situation, se priver des premières kilomètres de rail, se couper de ces instants où le banal de la situation plie sous l'impression d'extraordinaire, le transsibérien et le point de mire qu'est Pékin ré-enchante le réel et si la femme de la couchette n°12 souriait tout à l'heure en voyant notre enthousiasme émerveiller de prendre possession de nos places de troisième classe dans un train pour Kazan c'est peut être parce qu'elle comprenait ce qui se jouait en nous à ce moment là et qu'elle voyait la manière dont nous nous ré-enchantions. Peut être même qu'elle éprouvait une forme de nostalgie elle qui semble prendre ce train comme nous prendrions un RER, peut être aussi qu'elle éprouvait une sorte de fiertés à ce que ce soit son pays qui parvienne à ré-enchanter le monde à travers nous, ou bien tout simplement elle éprouve l'espoir, voir que le monde tel qu'il est peut encore se ré-enchanter, si j'étais elle je serai fier et heureux que ce soit mon pays, mon quotidien, qui ré-enchante le monde des autres.

Les autres passagers, ceux qui dorment, ceux qui vont certainement descendre à Kazan, la première étape de notre périple, ne voyagent pas du même coté du réel que nous. Si les voyages forment la jeunesses c'est peut être parce qu'ils nous font voyager de ce coté du réel où les choses tiennent encore du merveilleux ; les bruits du trains sont on ne peut plus identique à ceux qui peuvent émailler un TGV et le frais que semblent porter ses bruit ce n'est que l'air conditionné. La nuit russe que transperce le transsibérien ne vaut sûrement pas plus qu'une autre mais cette nuit là nous avance vers le lac Baïkal, Oulan Bator et au loin Pékin, cette nuit nous appartient à moins que ce soit nous qui lui appartenons telles des marionnettes entre les habiles d'un train.

En contre bas de ma couchette dans une couchette perpendiculaire une femme d'un certain age – c'est la première fois que j'use de cet euphémisme avec autant de justesse, dans la pénombre du wagon je ne saurai rien de l'age de cette femme dont je sais juste qu'elle a un certain age – est balayée par une large bande de lumière blanche comme si elle passait au crible d'une photocopieuse. Cette lumière qui régulièrement donne à son corps endormi l'allure d'une lourde odalisque me fait dire que nous traversons une gare ou un bourg.

Ma voisine de la couchette n°12 dort à coté de son sac à main, je dors à coté de mon passeport et en même temps je vois mal une voleuse grimper dans ma couchette sans me réveiller pour me détrousser. C'est justement pour ça que nos sacs sont en sécurité là avec nous. J'entends un bruit sifflant, comme une respiration sifflante et je ne sais pas si c'est ma voisine qui s'agite dans son sommeil ou si c'est un énième bruit du train qui vit tout autant que nous ce trajet nocturne. Les lumières se sont éteintes à onze heures, il doit être minuit passé, je devrais cherche le sommeil.

Le train c'est arrêté, il est une heure du matin aux heures moscovites qui sont celles du train et les bruits de celui-ci se ont tous cessés ; le ronron mécanique laissant place à un silence de respirations endormies se répondant dans la promiscuité du wagon n°14 comme des cigales dans la campagne provençal. Quelques pleurs d'un enfant on retenti depuis une couchette du wagon et se sont calmé certainement au creux d'un mère ou à son sein. J'entendes désormais la pointe de mon stylo sur le papier et dehors des bruits qui laissent penser que l'ont fait le plein du train, absurdes bruits de bidon, même en russie, même sur un train électrique. La ventilation se remet à souffler, c'était elle qui sifflait. Sans le ronronnement de la mécanique ferroviaire le wagon n°14 sonne comme un dortoir sous la lumière faible et blafarde d'une loupiote au plafond. Nous sommes en gare, première arrêt sur le trajet, d'autres trains s'affairent aux alentours. Et le sommeil toujours me fuit.

Dehors un train soupir en s'arrêtant, j'imagine que le notre en a fait tout autant. Sur le quai une voix de femme cri ce que je suppose être des ordres qu'elle donne à une équipe de nuit mais je ne parviens pas à imaginer quels ordres elle peut lancer avec une telle assurance. A quoi bon s'arrêter dans la nuit ; pour ne pas arriver trop tôt ? Pour bercer mes insomnies de sons qui esquissent un nouvel imaginaire que ma penser s'occupe à animer ? Je crois que mon esprit divague le sommeil doit être là.

Commentaires :

nicole

jamais depuis ton premier souffle tu as su dormir en voyage alors dans le transsibérien !!!